Quand j'ai commencé à écrire sur ce blog, j'avais déjà en tête quelques articles majeurs ; les
Grands Articles, sur les
Grands Sujets, que je rêvais d'écrire un jour. Un article sur
Portal, par exemple... Il m'est même déjà arrivé de dire que le jour où j'écrirais l'Article sur
Homestuck, je pourrais fermer ce blog, j'aurais tout fait, tout serait dit.
Et pourtant, j'en suis loin : j'ai parlé de plein de choses, pas vraiment de toutes celles prévues à l'origine (aucun commentaire sur l'actualité en deux ans !), et je compte bien continuer. Mais malgré tout, je vais tenter aujourd'hui la lourde tâche de parler de Homestuck, bravant d'ailleurs ma règle implicite de ne parler que d’œuvres que j'ai "finies".
Mais bref, trêve de monologue auto-indulgent.
Let me tell you about Homestuck.
Damn straight, weird dog-lady!
Au commencement, il y eut Andrew Hussie. Un jour, Andrew initia un jeu sur un forum. Il dessinait une situation et, à la manière des vieux jeux d'aventure en mode texte (
M-x dunnet !), laissait les autres utilisateurs du forum entrer des "commandes", des instructions, des ordres donnés aux personnages de l'histoire. En réponse à leur input, il postait ensuite la suite de l'histoire : une nouvelle suite d'illustrations, une description à jour de la situation. Et ainsi de suite. Cette première histoire s'appelait
Jailbreak, et Andrew vit que cela était bon, bien qu'un peu bordélique.
Dans un deuxième temps, Andrew créa un site pour héberger ses histoires interactives. Pour se moquer de son propre style de dessin minimaliste, il l'appela "
MSPaintAdventures". Il l'étrenna en commençant une deuxième aventure :
Bardquest. Dans celle-ci, il essaya de suivre différentes branches, à la manière des livres "dont vous êtes le héros". Ce mode de fonctionnement se révéla trop complexe, l'aventure fut très vite abandonnée. Et Andrew vit que cela était instructif.
A l'aube du troisième temps, Andrew se lança dans son projet le plus ambitieux :
Problem Sleuth. Cette fois ci, fort de l'expérience des précédents projets, il décida de ne plus prendre toutes les commandes de ses lecteurs, mais de piocher à sa convenance dans leurs suggestions. L'histoire était donc toujours en interaction avec ses lecteurs, mais Andrew pouvait plus librement l'orienter.
Problem Sleuth fut le premier grand succès du site : un an de mises à jour quotidiennes, 1700 pages environ, un nombre de lecteurs multiplié par au moins vingt en un an.
Alors, le site commençant à être rentable, Andrew se lança à corps perdu dans sa quatrième aventure. C'était le 13 avril 2009. Il l'intitula
Homestuck.
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A young man stands in his bedroom. It just so happens that today, the
13th of April, is this young man's birthday. Though it was thirteen
years ago he was given life, it is only today he will be given a name!
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Quatre ans plus tard, 2013.
Homestuck est devenu l'un des plus longs "webcomics" au monde, avec plus de 7000 pages. Sa communauté de visiteurs quotidiens se compte en millions, les produits dérivés s'arrachent, des centaines de cosplayers font sensation à chaque convention, et la récente levée de fond sur
Kickstarter a obtenu plus de deux millions de dollars, dont la moitié en 24 heures. Et l'aventure n'est pas encore finie.
Mais que peut raconter Homestuck pour que l'histoire dure si longtemps ? Difficile de dire grand chose sans révéler des détails qu'on découvre soi-même en temps que lecteur, au fur et à mesure. Pour faire simple, et pour donner le point de départ, en mode description cliché : quatre amis décident de jouer ensemble à un jeu en réseau, Sburb ; mais très vite ils se rendent compte que le jeu a des conséquences imprévues et que le destin de l'univers repose sur leurs épaules. Difficile d'en dire beaucoup plus sans dévoiler des détails cruciaux... Tout ce que je peux dire, c'est que 6000 pages après le début, au milieu de paradoxes temporels et d'univers parallèles, l'auteur réussit encore à faire des révélations terribles qui bouleversent tout ce qu'on savait jusque là de l'histoire... révélations dont on se rend compte a posteriori qu'elles sont annoncées en filigrane depuis les premières pages de l'histoire...
Mais surtout, je considère
Homestuck comme étant la plus grande œuvre d'art de ces dix dernières années au moins. Son immense mérite est d'être une œuvre parfaitement adaptée à son média qu'est Internet : aucun autre média n'est adapté à ce récit.
Je m'explique. Une page usuelle de
Homestuck comporte une image, image qui parfois est un court gif animé. L'image est parfois accompagnée d'une courte description, mais la plupart du temps on trouve en dessous de l'image des transcriptions des dialogues entre personnages. Ces discussions sont parfois assez verbeuses : une grande partie de l'histoire est racontée par ce moyen, il n'y a que peu de narration omnisciente. Cette combinaison image / dialogue, c'est une page normale, comme on en trouve quelques milliers.
Mais il y'en a un certain nombre d'autres qui dévient au moins un peu de ce schéma. Certaines pages ne contiennent pas une image, mais une vraie animation en flash, de plusieurs minutes, en musique (comme
celle-ci (qui ne spoil rien)). Certaines pages sont en faites de vrais petits jeux en flash, dans lesquels vous incarnez un des personnages et allez dialoguer avec d'autres protagonistes de l'histoire... Certaines pages utilisent l'emplacement usuel du bandeau publicitaire en haut de la page pour narrer un deuxième bout d'histoire en parallèle, une des pages est intégralement en flash et se fait détruire par le personnage qui y est présenté...
Il serait réducteur de faire d'
Homestuck un film : on perdrait tous les dialogues écrits entre les personnages. Difficile d'en faire un livre : on perd les vidéos, la musique, l'interactivité. Difficile d'en faire un jeu : on perd la liberté que prend l'oeuvre avec son cadre. De nombreux personnages brisent le quatrième mur (l'auteur se représentant lui-même au sein de son œuvre comme un des personnages), et ce jeu avec le cadre de la page en est une illustration. Pour continuer à illustrer cet aspect multi-dimensionnel : un des personnages tient
son propre webcomic, qu'on peut lire en parallèle si on en a le courage. Plus de
quinze CDs ont été composés pour accompagner l'aventure...
Et enfin, la dernière dimension sur laquelle joue l'auteur est le temps. Avec des pointes à une trentaine de pages par jour, la moyenne sur quatre ans est proche des dix pages par jour... À de nombreuses reprises, l'auteur a commenté le fait que l'histoire se lit très différemment selon qu'on la découvre au fur et à mesure ou qu'on la relit a posteriori. Et il utilise avec brio les updates quotidiennes pour intensifier certains moments de stress, ou pour souligner certaines révélations.
Pour spoiler un peu, et pour illustrer : à un moment de l'histoire, un personnage se met soudainement à tuer tout un groupe de personnages. Pendant une cinquantaine de pages, l'histoire prend une tournure très sombre, avec une ambiance très stressante. A relire, cette séquence est rapide et se résout vite... mais elle a originellement été publiée au compte-gouttes, quelques pages par ci, quelques pages par là, résultant en presque un mois de stress quotidien pour les lecteurs assidus.
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Oh noes! |
Mais donc voilà, c'est ça Homestuck. Une histoire épique qui transcende son média, des milliers de pages, plus d'une heure de vidéos, des dizaines d'heures de musique, un jeu à venir. Si vous commencez maintenant, il vous faudra quelques mois pour tout lire ; un effort que je ne peux que vous encourager à fournir.
Quelques liens supplémentaires pour approfondir :
Et... voilà. Homestuck, c'est tout ça. Et c'est bien plus. Avec tout ce que j'ai pu dire là, je n'ai fait qu'effleurer la surface de tout ce qui fait qu'Homestuck est fantastique. Maintenant, voilà : à vous de découvrir !