Certaines images, certaines situations, certains types de lieux sont tellement profondément ancrés dans notre culture que, même sans jamais avoir vu ou expérimenté quoi que ce soit qui s'en approche de toute notre vie, nous sommes capables de les imaginer, de les voir, de les ressentir, de les invoquer. C'est peut-être d'ailleurs parce que ces éléments n'existent en réalité qu'à travers notre culture et notre perception que nous pouvons les imaginer, et que confronté(e)s à leur réalité nous n'y reconnaîtrions pas ce que notre imagination a créé...
Bref, imaginez-vous sur une route perdue, au milieu d'un paysage désertique, quelque part dans le sud des États-Unis, alors que la nuit tombe. Vous roulez, tout droit, sur cette grande route interminable aussi droite que vide, seul(e) dans votre voiture. Vos oreilles sont tellement habituées au ronronnement monotone du moteur que c'est presque comme s'il n'y avait aucun bruit. Afin de rompre ce silence, de remplir le vide, de lutter contre la somnolence et d'éloigner la solitude, vous allumez la radio.
Vous tombez presque tout de suite sur la radio associative du petit village du coin, qui ne doit pas être très loin de la route sur laquelle vous êtes. À la fin du morceau qui passait, l'animateur, seul (lui aussi) dans son studio, prend la parole, de sa voix grave, lente, calme et posée. Tranquillement, il vous narre les faits divers et les annonces de sa petite ville, commente l'actualité, puis remplace la météo par un autre morceau de musique de son choix, sans jamais se départir de son calme. Et tandis que vous continuez à rouler, son monologue vous accompagne, sa chaude voix grave vous enveloppe, vous donnant l'illusion, pour un petit moment, de ne plus être seul, d'appartenir, temporairement, à cette communauté dont vous ignoriez tout quelques heures auparavant.
- Welcome, listeners. Welcome to Night Vale.