dimanche 9 décembre 2012

To the Moon

Soyons brefs.

Depuis un bout de temps, déjà, je vante les mérites du jeu vidéo comme forme d'art à part entière, mais surtout comme forme d'art ultime ; pour moi, c'est simplement le média le plus adapté à la narration d'une histoire, à quasi-égalité avec un livre. Le livre aura toujours l'avantage d'être "abstrait" : à partir du cadre des mots, l'imagination prend le relai et vient compléter l'expérience. Mais son défaut est d'être fixe, inamovible. Un livre ne réagit pas à son lecteur. Un livre racontera la même histoire à chaque fois, avec les mêmes mots.

Alors que le jeu vidéo, lui, a cet avantage : l'interactivité. Comme dans un film, images et musiques fournissent un cadre beaucoup plus strict que celui des mots, l'imagination est bridée. Toutefois on retrouve justement les avantages de ces autres médias : la force de l'image, la puissance catalytique de la musique. Mais un jeu, lui, peut raconter une histoire différente à chaque fois. Ou réagir au joueur et l'orienter vers d'autres fins, d'autres histoires. Et en le forçant à agir, car sans lui rien ne se passe, il implique le joueur.

J'ai déjà cité sur ce blog plusieurs jeux qui, à mes yeux, démontrent la force que peut avoir le jeu vidéo, à ce point de vue. Je cite systématiquement One Chance, que je trouve toujours aussi incroyable. Simple, succinct, un coup de point aux tripes. D'autres, comme Everyday the Same Dream, décrivent plus une ambiance qu'une histoire ; une atmosphère dans lequel le joueur est plongé plutôt qu'une histoire qu'on lui narre. Loved est un compromis : vos choix influencent le jeu, mais lui aussi génère plus une ambiance qu'une narration.

D'une certaine manière, The Stanley Parable s'inscrit dans cette même logique. À la différence, tout de même, qu'il cherche moins à raconter une histoire qu'à briser le quatrième mur et à jouer avec la notion de narration, dans une chouette mise en abîme.

Et, bien sûr, cette liste serait incomplète sans Dear Esther, que je n'ai pas encore pris le temps de décrire ici. Jusqu'à il y a peu, ce jeu était pour moi simplement le meilleur jeu jamais créé en terme de narration, et également l'un des rares jeux à m'avoir fait pleurer. De ces deux ou trois larmes du générique de fin d'un film touchant.

Il est aujourd’hui doublement détrôné par To the Moon.


Difficile de classer To the Moon, et difficile d'expliquer en quoi il est si fantastique sans le spoiler, mais essayons. Déjà, il joue avec les limites de la notion de "jeu" : on pourrait presque parler d'histoire interactive. Pour moi il en est un, même s'il sort des sentiers battus. L'histoire du jeu est fixe, et il n'est pas possible "d'échouer". Il n'y a pas même de notion de réussite, à proprement parler. Toutefois, c'est vous qui avancez, allez parler aux protagonistes et résolvez les petites énigmes qui permettent de faire avancer l'histoire. C'est tout bête, mais ce processus implique le joueur dans le déroulement de l'histoire ; chaque avancée des héros est perçue comme une victoire personnelle, par identification. D'où, entre autres, l'impact émotionnel du jeu.

Au sujet de l'histoire... Dans un futur proche, on a fini par percer les secrets du cerveau humain. Loin d'évoquer toutes les complications éthiques et les risques humains de cette avancée, le jeu se focalise sur le cas pratique qu'en fait une société (la Sigmund Corp, ça ne s'invente pas) : réécrire le souvenir que quelqu'un a de sa propre vie, juste avant sa mort, pour accomplir son vœu inassouvi le plus cher. Toute l'histoire tourne donc autour de John, vieil homme dans le coma, à qui il ne reste que quelques jours à vivre. Son souhait ? Aller sur la lune.

Le procédé de la Sigmund Corp est relativement simple : il faut tout d'abord parcourir la mémoire du patient à l'envers, souvenir par souvenir, pour revenir jusqu'à son enfance, en suivant des objets et des gens autour du patient, en accumulant des informations. Une fois ce processus fini, la machine n'a plus qu'à trouver où influencer les décisions du patient pour le pousser dans la direction de son rêve inassouvi. Voilà pour la théorie.

Et donc, en pratique, tout l'acte 1 du jeu suit les deux héros reconstruisant à l'envers la vie de John. Et... c'est incroyablement touchant. Un peu comme voir la séquence du début de Up, à l'envers, sur plusieurs heures... Et hors de question de vous raconter la suite. Il n'y a pas beaucoup de grandes révélations, de grands twists imprévus de l'histoire, mais c'est juste que toute l'émotion du jeu est dans la découverte, justement. (À ce sujet, évitez la page Wikipédia, qui vous raconte toute l'histoire...)

Et donc voilà, pas grand chose de plus à en dire. J'ai pleuré comme une madeleine pendant la moitié du jeu... C'est très probablement l'un des meilleurs jeux de ma ludothèque. Le jeu est relativement court, il faut moins de cinq heures pour le finir. Il est préférable de le faire de manière relativement rapprochée, toutefois, pour garder tous les éléments de compréhension en tête. Il tourne sous Windows uniquement, et peut être acheté sur Steam pour huit euros.

Jouez-y. C'est juste beau.

3 commentaires:

  1. J'ai choppé To The Moon dans un bundle, faudra que j'y jette un œil.

    Par contre, Dear Esther m'a profondément saoulé. Tant par la manière de narrer, que par le décor "tu peux aller où tu veux, mais en fait non faut aller là", mais surtout, SURTOUT, par cette vitesse de marche du personnage, entre le tétraplégique sans fauteuil et l'escargot sous calmant.
    Ça a été un vrai calvaire.

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  2. J'avoue, Dear Esther a beau être beau... On aimerait bien un bouton autorun :)
    J'ai passé une heure (version démo) sur To The Moon le mois dernier. Il a du potentiel... Je ne l'ai pas encore acheté pour le finir, mais je pense que je le lirai un jour.

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  3. Oui je suis un peu lent mais voilà, c'est fait.

    Je n'ai pas pleuré à chaudes larmes, mais c'était sympa. Ce n'est presque pas un jeu video, je le situerais plutôt en parallèle avec le genre visual novel : une histoire avec des graphismes et musiques qui aident à la mise en scène et l'ambiance, mais en allant à la vitesse du spectateur.
    Vive le pixel art d'ailleurs. J'ai été légèrement surpris du fait que l'histoire n'ait rien à voir avec le fameux https://en.wikipedia.org/wiki/Moon_rabbit
    Bref, j'ai bien aimé, mais je comprendrais aussi que cela puisse décevoir un peu.

    Original en tout cas, et ça c'est une qualité.

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