jeudi 25 août 2011

Fate of the World

Ce message d'aujourd'hui va transgresser une autre règle invisible de ce blog : ne parler que de jeux que j'ai finis (ou dans lesquels j'ai suffisamment avancé). Mais si je devais attendre de l'avoir fini pour parler de Fate of the World, cet article resterait probablement pour toujours à l'état de brouillon ; ce jeu est dur.

Fate of the World est un jeu de stratégie sorti en février dernier, créé par le studio britannique Red Redemption. Son scénario est relativement simple ; nous sommes en 2020, vous êtes démocratiquement nommé chef du monde : qu'allez-vous en faire, comment allez-vous gérer les problèmes qui vont se poser ?


Une petite dizaine de missions sont à votre disposition (je n'en ai réussi que deux pour l'instant : le tutoriel et la plus facile...). Chaque mission illustre une façon différente d'envisager le futur du monde. Une des premières missions vous demande par exemple de réussir à monter l'IDH de chaque région du monde au dessus de 0.7 avant l'année 2050 tout en respectant des niveaux minimum de production mondiale de pétrole : l'idée est d'ignorer les problèmes climatiques et d'au contraire booster autant que possible l'extraction des ressources pour développer l'économie et financer les programmes sociaux nécessaires à l'augmentation de l'IDH. Cette mission se solde inévitablement par des conditions climatiques détériorées et la disparition d'une demi-douzaine d'espèces...

Une des missions change de paradigme : et si l'épuisement des ressources n'était qu'un mythe ? Une autre change de modèle d'évolution climatique pour simuler un monde sans augmentation des températures. Une autre encore vous place devant des objectifs écologiques tellement drastiques qu'il va vous falloir user de toute votre influence pour convaincre les habitants du bien-fondé de la réduction de leur niveau de vie...

Le jeu se joue au tour par tour : en tant que "chef", vous décidez des politiques à mettre en œuvre pour une période de cinq ans dans chaque région du monde, dans les limites de votre budget, via un système de cartes. Une fois votre plan d'action décidé, vous le validez, cinq années s'écoulent... et il ne vous reste plus qu'à éplucher les résultats et à corriger le tir.


Ce qui déstabilise, lorsqu'on commence à jouer, c'est la quantité impressionnante d'informations à la disposition du joueur, le nombre d'indicateurs à surveiller, la complexité des modèles et l'interdépendance de tous les paramètres... Le budget dont on dispose est tiré de taxes, donc proportionnel à la bonne santé économique des différentes régions ; le soutien de la région et sa bonne volonté à appliquer les mesures va dépendre de la popularité desdites mesures ; la popularité d'une mesure va dépendre de l'état d'esprit des habitants et de leur préoccupations...

Heureusement, le jeu fournit un outil de statistiques assez complet permettant de suivre l'évolution de chacune des centaines de variables du jeu en fonction du temps et des politiques mises en œuvre, ainsi que de voir une partie des liens logiques. Il souffre par contre de l'absence d'une explication détaillée de l'effet des cartes ainsi que d'un léger manque de nuance dans certaines informations : pour maîtriser les effets des cartes il vous faudra beaucoup expérimenter ou lire de fond en comble le wiki du jeu.


C'est donc à vous de faire des choix, en ayant en tête qu'il est impossible de mener une partie parfaite. Vous allez devoir taxer les régions riches pour réussir à avoir assez de budget quitte à vous y faire détester et à risquer de plomber à terme leur économie. Vous allez devoir déployer des solutions de réduction de température à court terme qui vont faire hurler à la mort les régions les plus éco-fanatiques mais qui vous permettront de faire survivre les régions les plus pauvres. Vous allez devoir manipuler en douce les régions les plus récalcitrantes pour convaincre leur gouvernement d'appliquer des mesures d'austérité impopulaires pendant que de l'autre côté du globe vous encouragerez la consommation à tout prix... Vous allez devoir intervenir dans les conflits armés, réguler la production des ressources, lancer des plans d'urgence suite à des catastrophes naturelles imprévues, croiser les doigts et espérer ne pas déclencher de crise économique... et surtout éviter de vous faire pendre haut et court par la population furieuse !

Bref, Fate of the World n'est pas un jeu facile. Ce que j'apprécie particulièrement, c'est qu'il ne se pose pas en donneur de leçon mais fait plutôt réfléchir le joueur sur les conséquences de ses décisions. Il y a ainsi plusieurs manières d'atteindre les buts fixés par le jeu, dont certaines sont moralement totalement condamnables. Il est par exemple possible de financer en sous-main le développement de virus qui diminuent drastiquement la population de certaines régions : c'est un moyen somme toute assez efficace de lutter contre la surpopulation, ce qui diminue au final les émissions de la région et augmente le niveau de vie moyen des habitants...

Le jeu utilise qui plus est des modélisations réalistes pour simuler l'évolution de la température et l'épuisement des ressources, inspirées des recherches et publications de l'université d'Oxford.


Bref, Fate of the World est une bonne leçon de géopolitique déguisée en divertissement. En vous faisant jouer à travers différents scénarios, il vous fera réfléchir à ce qui, au fond, importe, et aux coûts et conséquences des différentes manières d'arriver à vos fins. Après s'être acharné pendant des heures à essayer désespérément de sauver le monde, lire l'actualité réelle prend une toute autre dimension...

Si vous voulez essayer de sauver le monde, c'est par ici ou par , et il vous en coûtera une dizaine d'euros bien investis qui seront en partie redistribués à des associations. :)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

(Les messages sont modérés a priori.)