vendredi 17 juin 2011

The Prodigies

Changeons un peu ! Aujourd'hui, parlons film. The Prodigies est un film d'animation français, sorti il y deux semaines. Il est l'adaption du livre "éponyme" (sic) La Nuit des enfants rois de Bernard Lenteric, culte et controversé, qui date de 1981. Le film réinterprète l'histoire en lui donnant un aspect fantastique pas présent dans le livre, apparemment. Mais je ne l'ai pas lu ; ce n'est donc pas la réussite du film en tant qu'adaptation qui va m'intéresser ici.


Le scénario de The Prodigies est une histoire de confiance et de trahison. Sans spoiler qui sont les prodiges et quel est leur pouvoir, le scénario a pour trame la construction d'un groupe de ces prodiges et les conséquences d'un événement perturbateur. Difficile d'être plus précis sans dévoiler des éléments clefs de l'intrigue... Sans être parfait, le scénario est bien construit, mais il souffre par contre du défaut de toute adaptation : il n'est pas possible en si peu de temps de narration de suffisamment développer les personnages, leur caractère, leurs relations les uns aux autres... Du coup un des points clef du scénario, la grande trahison, l'immense déchirure intérieure de la confiance perdue... perd un peu tout de son impact quand elle a lieu au bout de quarante-cinq minutes de film entre des personnages dont on a l'impression qu'ils se découvrent encore !

Ce qui est fait à mes yeux une grande partie de l'intérêt de ce film, c'est son style graphique très particulier. Ne vous fiez pas à l'affiche (ci-dessus), qui pour une raison que j'ignore est dans un style réaliste qui ne correspond en rien au film lui-même. The Prodigies, c'est plutôt des personnages en cel-shading et des beaux décors peints, ce qui rappelle fortement le style de Team Fortress 2.

Medic, Demoman, Heavy, Pyro et Scout ?

Ce qui est dommage avec ce style, en tout cas dans le film, c'est qu'il donne aux personnages une apparence un peu plastique, qui limite leur expressivité. Deux des personnages du film, les Killian (père et fille), sont vraiment un peu fades. Ce qui manque le plus, en fait, c'est bête, c'est une texture, tant au sens informatique qu'au sens usuel du terme. Lors des gros plans sur le visage de Killian père, qui est quelqu'un d'âgé et fatigué, on s'attend à voir ne serait-ce que des rides sur son front. Avoir juste un à-plat de couleur ne suffit pas vraiment...

Regardez en taille réelle ; notez les nuages et les murs.

Par contre les décors sont absolument splendides. J'adore les nuages et les murs de l'image ci-dessus, dans laquelle on devine encore en quelque sorte les coups de pinceaux sur chacune des textures. Le film fait en général une bonne utilisation de la lumière et des couleurs ; la lumière à travers les persiennes, l'ambiance bleutée par les écrans du repère geek...

Ci-dessous, pour comparaison, deux captures d'écran de Team Fortress 2. (Les puristes feront remarquer à juste titre que j'utilise de manière un peu abusive le terme de cel-shading, mais vous pigez l'idée.)

Des personnages cel-shadés.Des décors peints.

On retrouve en fait beaucoup le style de Renaissance, un autre film d'animation français sorti en 2006, un polar de science fiction qui se démarquait par son choix graphique assez radical : le noir et blanc. Pas des niveaux de gris, non. Noir et blanc, comme dans bicolore. Et les décors d'un Paris futuriste dans ce style étaient splendides, là où les personnages étaient un peu lisses. Le scénario était de plus un peu creux par endroit, donnant l'impression de n'être qu'un support à l'image. (Il reste malgré tout un plutôt bon film, à voir si vous avez l'occasion.)

En comparant les fiches des deux films on repère d'ailleurs pas mal de noms communs : mêmes scénaristes, même studio de réalisation...

Paris 2054

Mais revenons à The Prodigies. Comme mentionné plus haut, et sans dévoiler grand chose du scénario, la plupart des personnages principaux ont un pouvoir assez particulier. Et quand ce pouvoir se manifeste, le rendu du film change complètement de style pour illustrer le changement de perception du monde chez les personnes en question. Le monde devient d'un seul coup une immensité claire et brumeuse, les autres personnages deviennent des caricatures grotesques et bestiales d'eux-mêmes, le FOV change pour donner un effet de tunnel... Et chaque impact, chaque choc se matérialise par des éclats bleus ou parfois violets immédiatement figés, comme si le son se cristallisait subitement. C'est très joli à froid, par contre dans le film ces scènes illustrent (et cachent, aussi, en un sens) systématiquement des scènes violentes, voire insoutenables... (Comme je n'ai trouvé aucune image potable pour l'illustrer, vous excuserez cette capture d'écran un peu bâclée d'un extrait du film sur YouTube.)

"Flammes" figées du premier choc.

Bref, pour conclure cette critique qui a divergé en étude sur les graphismes, The Prodigies est un plutôt bon film, au style original mais splendide. Il est très dur, par contre. L'amalgame absurde qui veut que tout dessin animé soit destiné à un public d'enfants est ici encore mis à mal. Le film est interdit aux moins de douze ans, je crois. On regrettera juste un peu qu'il soit si court et qu'en conséquence les relations entre protagonistes (dont le reste de l'histoire n'est en réalité que le support) soient parfois un peu bâclées. Et le doublage n'est pas terrible, mais là je chipote.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

(Les messages sont modérés a priori.)